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L’arbre qui cache la propriété

Mais qui était donc le propriétaire des peupliers et des cerisiers ? Le fermier qui les avait plantés ou le bailleur qui louait le fonds ?

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L’histoire. Léon avait pris à bail un petit domaine situé au pied du mont Ventoux, planté en cerisiers, à l’arrosage, et bordé par une belle peupleraie. Après des années de profit, Léon avait compris que la culture des cerisiers n’était plus rentable. La vente des cerises ne permettait plus de couvrir le coût de la cueillette. Il avait donc décidé de procéder à l’arrachage des cerisiers et de les remplacer par de la vigne.

Quelques mois avant le renouvellement du bail, Léon avait constaté que le propriétaire, Vincent, avait pénétré sur la peupleraie et procédé à une coupe. Tout cela sans solliciter son autorisation. Léon n’avait-il pas, au cours du bail, la jouissance des arbres ?

Le contentieux. Léon avait demandé au tribunal paritaire de condamner Vincent à lui payer une indemnité au titre de la coupe de peupliers. En réponse, Vincent avait demandé aux juges la résiliation du bail avec dommages-intérêts, reprochant à Léon l’arrachage des cerisiers et du système d’irrigation. Pour justifier sa demande d’indemnité et s’opposer à celle de Vincent, Léon avait fait valoir que le sort des plantations réalisées par le fermier est réglé à la fin de la relation contractuelle. Puisque le bail avait été renouvelé, il fallait attendre le départ du fermier pour apprécier l’état de l’exploitation. Mais, en procédant à une coupe d’arbres sans son autorisation, Vincent avait outrepassé ses droits. Suffisant selon Léon pour justifier sa condamnation. Convaincus, les juges avaient ordonné que ce dernier indemnise son fermier. En pénétrant sur la parcelle louée et en coupant, pour les vendre, les peupliers dont la propriété était laissée au preneur, Vincent avait porté atteinte aux droits de Léon. Quant à la demande d’indemnisation consécutive à l’arrachage des cerisiers, les juges l’avaient écartée. Selon cette décision, le bailleur doit laisser au locataire, pendant la durée du bail, la propriété des ouvrages et plantations qu’il a régulièrement élevés, leur sort n’étant réglé qu’à l’expiration du bail. Insatisfait, Vincent avait formé un pourvoi, et invoqué une jurisprudence selon laquelle le bailleur est propriétaire, en raison de son droit d’accession et au jour du renouvellement du bail, des plantations réalisées par le preneur au cours du bail précédent. Sans hésitation, la Cour de cassation a censuré l’arrêt. La cour d’appel n’avait pas recherché si le bailleur n’était pas devenu propriétaire des peupliers par accession à l’issue de la période de la relation contractuelle au cours de laquelle les plantations n’étaient pas intervenues. Elle n’avait pas non plus vérifié si les plantations de cerisiers étaient intervenues avant le renouvellement du bail, de sorte qu’elles seraient devenues la propriété du bailleur lors de ce renouvellement.

L’épilogue. La cour de renvoi devra régler le sort des demandes respectives des parties : celle de Léon devra être écartée, puisque Vincent était bien, au jour du renouvellement du bail, propriétaire des peupliers, ce qui lui permettait d’en jouir à cette date. Pour autant, la demande de Vincent ne sera-t-elle pas écartée, s’il était établi que le remplacement des arbres fruitiers par de la vigne ne pouvait compromettre la bonne exploitation du fonds ?

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